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  • Photo du rédacteurL'Article Dix-Neuf

Omertà UdeM, ou l'instrumentalisation d'un drame

Par Charles Castonguay



En ce lundi dernier, gris et très froid qu’était le 15 octobre, le syndicat du corps professoral de l’Université de Montréal, le SGPUM, et le rectorat de l’Université devaient se rencontrer dans le hall d’honneur du Pavillon Roger-Gaudry, pour une assemblée universitaire et assister au discours du recteur.


Pancartes, duck-tape rouge, banderoles étaient certes au rendez-vous, mais ce qui frappait le plus était le silence qu’affichaient plus de 200 étudiant(e)s placés en haie d’honneur où les professeurs, doyens et membres du rectorat se devaient de passer afin d’accéder à la nouvelle salle de réunion ou le recteur prononça son discours.


« Les victimes ne sont pas un levier de négo » pouvait-on lire sur les pancartes.

« L’impunité des profs en matière de violences sexuelles n’est pas un gain syndical » pouvait-on lire sur la banderole large d’une dizaine de mètres, près de la table à café.

Cette action se doit d’être mise en contexte afin de saisir l’ampleur de sa signification pour les étudiant(e)s présents et les 40 000 membres de la FAECUM.



Petite prise de recul

Il serait normal de penser qu’après le premier anniversaire du mouvement #MeToo, qui eut lieu en cette même journée du 15 octobre, l’Université de Montréal ait pu développer un processus cohérent et efficace de traitement des plaintes en matière de harcèlement de toute nature envers le corps professoral.


C’est malheureusement plus complexe qu’il n’y paraît. Le processus de traitement de ces plaintes à l’UdeM est particulièrement opaque. On y retrouve plusieurs éléments problématiques qui rendent la lourde tâche de dénonciation des victimes encore plus difficile.


Des exemples ? Il est impossible pour un ou une étudiante victime d’inconduites sexuelles de porter plainte pour un événement arrivé en dehors des limites physiques du campus. Il est également impossible pour une victime d’enregistrer sa plainte après un délai de prescription de 6 mois suivant l’acte impardonnable dont elle a été la cible.


Citons aussi le processus de jugement de la plainte. Si la dénonciation de la victime est retenue, cette dernière devra passer devant un comité composé de professeurs qui étudiera les deux versions des faits. Ce comité est formé exclusivement de collègues enseignants de l’accusé et seuls sont admis dans la pièce que la/le plaignant(e), son agresseur et les pairs de ce dernier qui détermineront de l’avenir du processus de plainte.



Une question de négociation

L’Université de Montréal est en ce moment le seul établissement d’enseignement supérieur au Québec gérant le processus de traitements des plaintes de cette façon dysfonctionnelle. Cela est dû à la convention collective du syndicat des professeurs (SGPUM) qui est en cours de renégociation. L’enjeu du traitement des plaintes étudiantes est probablement l’aspect le plus médiatisé de ces discussions syndicales.


Forcés par la mise en œuvre de la nouvelle loi provinciale 151, qui impose aux établissements d’enseignement supérieur de mettre en place un processus clair et transparent de traitement des plaintes à caractère sexuel d’ici le 1er janvier 2019, le SGPUM avance la proposition suivante. La nouvelle convention collective pourrait prévoir la création d’un comité indépendant qui superviserait le processus.


Cette proposition se place en réaction à la proposition des étudiant(e)s et du rectorat qui soutiennent qu’il serait du devoir de l’administration de juger les inconduites des enseignants en ce qui a trait aux questions de violences sexuelles, mais également au harcèlement de toutes sortes. Le SGPUM craint que ce processus ne facilite la tâche de l’administration lorsque viendrait le temps de se débarrasser d’un professeur. C’est pourquoi le syndicat ne place pas le traitement des autres types de plaintes de harcèlement et d’intimidation à caractère non sexuel dans les futurs pouvoirs de ce comité.


Une perte de confiance

C’est donc dans une rare entente avec le rectorat que la FAECUM soutient que le jugement des cas d’inconduites et de harcèlement de toutes natures devrait être opéré par l’administration de l’Université envers le corps enseignant. En faisant une concession sur les violences sexuelles mais en désirant garder le contrôle du processus de plainte pour tout autre cas de harcèlement ou d’intimidation, cela donne l’impression que le SGPUM instrumentalise le problème grave des abus de pouvoirs envers les étudiant(e)s afin de se conserver une relative indépendance envers le rectorat.



C’est tout simplement impardonnable. À quoi s’attendre du SGPUM et de ses membres, qui se retrouvent en perpétuelle relation d’autorité sur leurs étudiant(e)s, quand l’on observe leur mauvaise foi dans l’instrumentalisation de ces drames pour détourner leurs négociations à leur avantage ?


Non, l’impunité des profs en matière de violences, sexuelles et de toute nature, n’est pas un gain syndical. Considérant la vocation implicite des professeurs d’accompagner et d’aider les étudiant(e)s à traverser leur parcours académique de manière humaine et sécuritaire. Considérant qu’on est en 2018. Cette hypocrisie du corps enseignant de l’UdeM se doit d’être dénoncée. Pourquoi refuser une concession concernant le bien commun de la population étudiante ? Qu’ont-ils à cacher ? Ils se doivent, ils nous doivent, d’agir au plus vite.


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