Par Frédérique Bergeron
Nouvelle année rime avec nouvelles résolutions et tout le tralala qui vient avec cette tradition de penser qu’un nouveau nombre change miraculeusement la nature du monde. J’ai pas l’habitude d’adhérer à ce genre de truc et soudainement souhaiter de différentes choses chaque fois qu’on tourne au premier janvier.
New year, new me. J’me suis dit que pour 2018 ça serait différent parce que 2017 a été rough. Vraiment très rough.
J’ai passé ma dernière session dans l’ombre en compagnie de ma musique triste, de romans que j’ai déjà lus 3 fois et de séries Netflix que j’trouvaient même pas intéressantes. J’me suis coupée du monde pis j’ai mis la switch à off. Tout ce que je voulais c’est juste arrêter de ressentir quoi que ce soit. J’ai abandonnée pas mal tout ce qui me faisait triper dans vie pour me contenter d’exister. J’avais des idées noires, j’voyais plus du tout le bout. Mes journées étaient ridiculement plates, vides et nuageuses. J’ai finalement juste arrêtée de me soucier de si le beau temps allait revenir après la pluie. Ce n’est pas la première tempête que j’vis. J’suis mal située sur la map, faque j’vais passer ma vie à dealer avec des ouragans et des typhons. J’suis un peu comme la Floride, j’en ai vu une coupe, mais la dernière a frappée pas mal plus fort que les autres.
J’fais partie des heureux élus qui souffrent d’une maladie mentale. Ouch. Deux mots lourds de sens et difficiles à assumer. Je souffre de dysthymie. Dans le livre de la maladie mentale pour les nuls, je décrirais ça comme un trouble bipolaire, sauf que je ne vis pas les moments de gros high mais juste ceux de gros down. J’suis triste, j’suis pus triste. Again and again. C’est un trouble dépressif persistant et chronique, ce qui veut dire que je vais traîner ça pour pas mal tout le reste de ma vie. C’est plate mais c’est comme ça. Shit’s happen.
J’apprends un peu plus chaque jour à apprivoiser cette p’tite bibitte là. C’est pas facile et j’pense pas que ça va l’être un jour. C’est un travail constant que je dois faire sur moi-même. J’dois apprendre à gérer mes émotions et surtout, j’dois apprendre à pas lâcher le morceau. Parce que maudit que des fois j’ai juste le goût de tout laisser tomber.
Ce qui rend ce travail-là, la majorité du temps, difficile, c’est la peur du regard des autres. J’ai peur du jugement, de ce que les gens vont penser de moi en apprenant que je ne suis pas tout à fait normale. J’ai toujours eu le réflexe de juste me taire et de pas parler de ces affaires-là. J’ai aussi toujours eu l’impression qu’il fallait pas que j’en parle.
J’ai fais ma première dépression trop jeune, à un âge ou j’savais pas encore comment faire des équations algébriques. J’comprenais pas vraiment ce que je vivais et ce qui m’arrivais. Dans ce temps-là, les préjugés associés à la maladie mentale étaient encore plus forts et présents qu’aujourd’hui alors j’me suis vite minder au fait que j’devais juste pas parler de comment je me sentais. Mon diagnostique de dysthymie est arrivé beaucoup plus tard. J’ai passé une coupe d’années à être dans le néant. J’allais être une tite fille toujours triste et that’s it.
Avec le temps, et en comprenant aujourd’hui pourquoi je suis comme je suis, j’réalise que maudit qu’il faut en parler. Maudit que j’aurais dû plus en parler et maudit que les adultes autour de moi auraient dû m’apprendre que c’était correcte d’en parler. J’aurais dont aimer du haut de mes 14 ans ne pas avoir eu aussi peur de ce que j’étais.
En 2018, j’ai décidé d’arrêter d’avoir peur de parler de ce que je vis et d’assumer complètement que ça fait partie de moi. J’ai longtemps perçue cette bibitte en question comme la fin du monde. En sachant que j’allais toujours vivre des épisodes dépressifs par ci, par-là, j’avais toujours le réflexe de me dire que j’allais jamais être bien et heureuse, que j’étais seule au monde sur ma p’tite île déserte. Ça toujours été un énorme frein dans ma vie.
Aujourd’hui j’me rend compte que plus j’en parle, plus je remarque que je suis loin d’être toute seule là-dedans pis que les gens que j’aime vont pas me lâcher. C’est lourd une maladie mentale. Dans ma tête, personne veut dealer avec ça. J’me suis trompée solide. J’ai la chance d’avoir des gens incroyables autour de moi qui iraient me décrocher la lune pour que je sois bien. J’me suis aussi rendu compte que plus j’en parle, plus je remarque que, caline, j’suis pas la seule qui vis avec une maladie mentale. En parler avec des gens qui vivent la même chose que moi, ça ne fait qu’aider.
Faque, pourquoi me taire ? Oui ça fait peur, oui c’est lourd, oui c’est compliqué, so what ? C’est la vie siboire. J’devrais pas avoir peur de dire que j’ai un problème de santé mentale, au même titre que quelqu’un qui souffre de diabète n’a pas peur de parler de sa maladie. J’devrais pas avoir honte de mes yeux qui se remplissent d’eau trop souvent.
Au Québec, une personne sur cinq va souffrir d’une maladie mentale quelconque au cours de sa vie. C’est énorme mais ça reste quand même un sujet vraiment tabou. Trop tabou. Le pire du pire, c’est que les deux tiers des gens ne vont jamais aller chercher l’aide qu’ils ont besoin parce que le sujet est encore trop tabou, parce que la peur du regard des autres est encore tellement présente. Faut que la vision de société qu’on a sur la maladie mentale change. Au plus criss.
En 2018, j’souhaite au plus profond de mon cœur que les p’tites filles, les p’tits gars, les moins p’tites filles et les moins p’tits gars qui vont se sentir trop triste, comme je l’ai déjà été, vont pas avoir peur d’assumer ce qu’ils sont et ce qu’ils vivent. J’pense sincèrement que tout ce que je vis de plus tough me fait juste grandir. J’vais retomber, c’est inévitable. J’suis conçue comme ça. J’sais par contre, que chaque fois que j’vais couler à nouveau, mon bateau va toujours être un p’tit peu plus fort pour affronter la tempête.
Faque à toi qui se sent au boute du boute, c’est pas grave. Ça va bien aller.
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